mercredi 27 janvier 2010

[LP] Beach House - Teen Dream

Ce n'est pas la première fois que je le précise, mais je n'ai jamais beaucoup aimé les voix de femmes*. Cependant, il serait faux de prétendre que Victoria Legrand de Beach House est une femme comme les autres. Je m'en suis rendue compte il y a un an à peine, lorsqu'elle a posé le pied sur la scène du Fillmore à SF, en première partie de The Walkmen. Sa prestance et son charisme ont modifié perceptiblement l'atmosphère fiévreuse de l'assemblée, à moins que ce soit plutôt son aura de pure douceur.
Cette aura, elle est Teen Dream à elle toute seule ; elle en fait un album gorgé de tendresse.



Rêve adolescent.
Illusions et désillusions jouées à tour de rôle sur le piano mélancolique de Victoria, sur la vague de ses souvenirs déformés par les années. Elle nous parle d'amour comme on aimerait encore (ou toujours) le voir, au gré de notre imagination ; un amour parfaitement rêvé, dont la coïncidence avec la réalité est retardée, étant presque aussi inutile que redoutée ; un amour provoquant des douleurs terribles mais terriblement belles, dont le dramatique est amplifié à l'infini afin de s'assurer qu'on est en vie ; un amour évoqué tantôt selon les joies (Better Times, Walk In The Park), tantôt selon les peines (Real Love, 10 Miles Stereo), peu importe au fond.

Teen Dream se dessine avec la pluie qui efface nos découragements et le soleil qui fait gonfler nos coeurs. Il a la douceur d'un monde en coton, brumeux, et la tendresse d'un cocon de protection à jamais fermé pour éviter de se blesser. Sentiments esquissés, émotions désordonnées produites par un coeur qui semble fonctionner trop fort.

Teen Dream. Le temps où l'on se refusait à rationaliser nos passions, construites à partir de ce que l'on désirait entendre là où rien n'était prononcé.
Des sourires. Des larmes. Passer de l'un à l'autre selon des figures de haute voltige, à la manière des trapézistes, à la simple écoute d'une chanson.
Le désordre, produit de toute pièce par nos spéculations.

L'époque où le bonheur n'était qu'une succession de petites choses sans importance.
(Il l'est toujours.)


[Zebra]
[Lover of Mine]
[Norway]

* exception faite depuis peu pour St. Vincent.

jeudi 31 décembre 2009

Tops 2009 en vrac

Une année de plus qui se clôt. Durant laquelle ce blog n'a pas publié grand chose malgré les envies de partage de le rédactrice. Cependant, la plupart du temps, cela faisait place à un immense sentiment de découragement.
Aller voir Patrick Wolf en concert et me rendre compte que jamais je ne pourrais trouver les mots pour dire combien tout cela me touche. Réaliser que si même je les trouvais, peut-être qu'une trop grande partie de moi échouerait ici. Et savoir que si c'était le cas, peut-être que cela ne toucherait personne. Or à quoi ça servirait d'écouter de la musique qui ne nous touche pas. Je me le demande encore.

Du côté des concerts, ça doit ressembler à quelque chose comme :

(1) Patrick Wolf @ Botanique
(2) Grizzly Bear @ Cirque Royal
(3) The Walkmen @ Fillmore
(4) Beirut @ Cirque Royal
(5) Fuck Buttons @ Dour
(6) ...And You Will Know Us By The Trail of Dead @ Dour
(7) Animal Collective @ Dour
(8) St-Vincent @ Cirque Royal
(9) Sunset Rubdown @ Botanique
(10) Dirty Projectors @ Botanique

Niveau visuel, ce serait plutôt :
Clips
(1) Ramona Falls - I Say Fever
(2) The Middle East - Blood
(3) Here We Go Magic - Tunnelvision
(4) Yeasayer - Ambling Alp
(5) Animal Collective - Summertime Clothes

Pochettes
(1) Jonsi & Alex - Riceboy Sleeps
(2) Veckatimest - Grizzly Bear
(3) Volcano Choir - Unmap
(4) Kurt Vile - Childish Prodigy
(5) Noah & The Whale - The First Days of Spring

En ce qui concerne les EP, en vrac :

Beirut - March of the Zapotec & Holland EP
Deerhunter - Rainwater Cassette Exchange EP
Animal Collective - Fall Be Kind EP
Atlas Sound - Rough Trade EP
Devendra Banhart - Baby EP
The Drums - "Summertime !" EP

mercredi 30 décembre 2009

Top albums 2009 - #1 -> # 10

2009 n'était pas musicalement moins bon que 2008, malgré les déceptions (The Dodos, Island, Sunset Rubdown, Dan Deacon, Fuck Buttons...) et les concerts bien moins nombreux. Je me contenterai pourtant d'un top 30 ; seule une poignée d'ablums épargnés mériterait d'y figurer (The Middle East, Blind Man's Colour, Wavves, Vic Chesnutt, Cymbals Eat Guitars, Balckout Beach, A Sunny Day In Glasgow...). En espérant que certains y découvrent quelque chose :)


(1) Atlas Sound - Logos
Shelia
Logos. Je n'ai pas bien compris l'engouement de départ suite à l'arrivée de Walkabout (w/ Noah Lennox). Cependant je savais un peu à quoi m'attendre (si Let The Blind Lead Those Who Can See But Cannot Feel n'apparait pas dans mon top 10 2008 c'est uniquement parce que je l'ai découvert trop tard), même si rien ne pouvait me préparer à des chansons telles que Shelia, Kid Klimax, Wahsington School... En fait, mis à part les deux "duos", l'un avec Panda Bear donc, et l'autre avec Laetitia Sadier, cet album est parfait. Il touche chacun de mes sens et modifie ma perception des choses extérieures. Marcher dans une ville avec Logos dans les oreilles c'est transformer sa vie en ce qu'elle devrait être.

(2) Here We Go Magic - Here We Go Magic
I Just Want To See You Underwater
Je ne connaissais pas Luke Temple avant cette année. Au fil des mois il est devenu Dieu, ou quelque chose comme "le Créateur". Un rythme, un 2e qui se superpose, un 3e qui se superpose. Jusqu'à ce qu'ils se retirent un à un après quelques minutes de stupéfaction. Here We Go Magic, ce sont mes seules vacances au soleil en plein hiver.

(3) Grizzly Bear - Veckatimest
Foreground
Déjà évoqué quelque part ici.

(4) Le Loup - Family
Beach Town
D'accord, Here We Go Magic ne représente pas mes seules vacances. Le Loup réussit également plutôt bien sa tentative d'enfermer du soleil dans Family.

(5) Ramona Falls - Intuit
Clover
Le petit nouveau du top 5. Une envie de l'écouter, un oubli, une réapparition. Vu la place que Menomena a toujours pris dans ma discographie cela ne m'étonne pas vraiment.

(6) Sébastien Schuller - Evenfall
Last Time
Je crois que j'aime cet album tendrement. C'est un peu la BO idéale d'une vie, dans le sens où on aimerait que chaque minute de notre existence puisse correspondre à quelque chose d'aussi beau, subtil et grandiose.

(7) Kurt Vile - Childish Prodigy
Dead Alive
Blackberry Song
L'année des envolées solitaires, puisque Kurt Vile n'est autre que le guitariste de The War on Drugs. Childish Prodigy est organique et métallique ; c'est aussi le meilleur compagnon possible quand on prend le train.

(8) Bill Callahan - Sometimes I Wish We Were An Eagle
All Thoughts Are Prey To Some Beast
La géniale escapade de Smog. Désertique et bouleversant.

(9) DM Stith - Heavy Ghost
Morning Glory Cloud
Quand David Stith s'est mis à chanter, c'était trop tard pour se sauver. Nous étions ensorcelés.

(10) Noah & The Whale - The First Days of Spring
My Broken Heart
You can give up anything when you're following your heart
I never had the time to show I could depart
with my whole being, go back to the start
Oh I promised more in vows then I ever give with my heart
but I'll be lonely...

Top albums 2009 - #11 -> #20

(11) Animal Collective - Merriweather Post Pavilion
Brothersport
Soyons honnêtes, cet album ne vaut ni Feels ni Strawberry Jam, ni Sung Tongs d'ailleurs. Et pourtant il s'éclaire à chaque écoute d'une nouvelle lumière et ouvre sans cesse les portes. Par contre, les concerts étaient de véritables épreuves. Après deux désastreuses expériences live, il fallait bien tenter une troisième à Dour. J'ai seulement compris cette fois-là que si je n'avais pas apprécié les tentatives précédentes c'est parce que je n'étais qu'une fille coincée et surtout parce qu'en fait il n'y avait rien à comprendre. J'ai enlevé mes chaussures et j'ai dansé pieds nus. C'est ça la véritable leçon de cet album. De lever les barrières.

(12) Telefon Tel Aviv - Immolate Yourself
The Birds
Contrairement à Dear John de Loney Dear, qui à l'instar de cet opus de Telefon Tel Aviv a pointé le bout de son nez début d'année, Immolate Yourself n'a rien perdu de son intensité grandiose au fil des mois. La vieille de sa sortie, c'est la moitié de ce duo américain, Charles Cooper, qui s'éteindra brutalement à l'âge de 31 ans. Une année meurtrière.

(13) Ola Podrida - Belly of the Lion
Donkey
Décrit récemment comme "de l'évidence mélodique tout en retenue". Jamais je n'aurais pu dire mieux.

14) Patrick Wolf - The Bachelor
Blackdown
J'aime toutes les histoires que me murmure Patrick. Ses peines et ses révolutions (Battle !). C'est une partie de son âme qu'il partage avec nous. The Bachelor n'emprunte pas mes sentiers préférés mais au fond cela se joue bien au-delà de ça.
I’ve been alone for so many
The great moments in my life
Alone like so many...


(15) Sufjan Stevens - The BQE
Movement I: In The Countenance Of Kings
Movement IV: Traffic Shock
Il faut bien deux mouvements pour illustrer la symphonie moderne que nous a offert Sufjan. Le premier digne de la BO de Pride & Prejudice et le 4e pour entamer la révolution musicale de ce génie de la composition. The BQE est beau. Même envoûtant.

(16) Sleeping States - In The Gardens of the North
The Next Village
Si le violoncelle nous touche c'est parce son son est le plus proche de la voix humaine. Les Anglais de Sleeping States l'ont bien compris quand ils ont décidé de nous livrer l'une des plus belles chansons de l'un des plus beaux albums de l'année. Ajoutez des choeurs emplis d'échos nuageux, mélangez et c'est prêt.

(17) Andrew Bird - Noble Beast
Anonanimal
En fait, je n'ai pas vraiment aimé cet album dans son entièreté. Néanmoins, Anonanimal et quelques autres sont d'une splendeur à tomber par terre et ça rattrape totalement le reste.

(18) Dirty Projectors - Bitte Orca
No Intention
Bitte Orca ne se serait sans doute jamais retrouvé aussi haut si les Dirty Projectors ne s'étaient pas produits après Sunset Rubdown au Bota. Normalement, je n'aime pas particulièrement les voix de femmes (même si j'appréciais assez sur disque, principalement pour l'étonnante voix de Dave Longstreth et ce qu'il sait faire de sa guitare), cependant Amber Coffman et ses deux comparses (et Saint Vincent quelques temps plus tard) m'ont prouvé que j'avais tort : ça a commencé avec Two Doves, et ensuite j'ai entendu des choses que je ne croyais même pas possibles avec une voix humaine.

(19) Volcano Choir - Unmap
Island, IS
Aux commandes, Justin Vernon, alias Bon Iver, derrière lui, Collections of Colonies of Bees : cette voix habitée, tant écoutée l'année passée, sur des mélodies plus soutenues un peu expérimentales, et une des plus belles pochettes de l'année en prime. Le résultat est flou et me hante comme de lointaines lumières venant du nord.

(20) Years - Years
Are You Unloved
Des guitares, du talent et ce petit quelque chose en plus.

Top albums 2009 - #21 -> #30

(21) Neon Indian - Psychic Chasms
Laughing Gas
Meilleur que Manners de Passion Pit, plus joyeux, plus insouciant, plus coloré, Psychic Chasms ferait danser n'importe qui n'importe où.

(22) Phoenix - Wolfgang Amadeus Phoenix
Love Like A Sunset (Planetarium)
Wolgang Amadeus Phoenix s'écoute comme on lit un livre, il raconte une histoire. "Lire comme un papillon, écrire comme une abeille".

(23) The Whitest Boy Alive - Rules
Promise Less Or Do More
Cette année Erlend Øye m'a plus convaincue de ce côté-ci que du côté des Kings of Convenience. Une basse simple la plupart du temps, des arrangements minimaux mais efficaces, et cette voix apaisante qui justifie tout.

(24) A Place To Bury Strangers - Exploding Head
Everything Always Goes Wrong
Sombre à vous glacer le sang.

(25) Loney Dear - Dear John
Under A Silent Sea
Sûrement placé beaucoup plus haut s'il était sorti plus tard, Dear John n'a pas vraiment tenu la distance... Malgré tout Emil reste touchant la plupart du temps et particulièrement dans cette chanson où la vague ne peut que nous submerger.

(26) Julian Plenti - Julian Plenti is... Skyscraper
On The Esplanade
Loin de valoir les arrangements d'Interpol, mais au fond la voix de Paul Banks est immuable de profondeur et de stabilité.

(27) Peter, Bjorn & John - Living Thing
Lay It Down
P,B & J continuent de passer malheureusement trop inaperçus, malgré le succès entièrement justifié de quelques uns de leurs titres. Celui-ci est tout simplement éclatant.

(28) Local Natives - Gorilla Manor
Shape Shifter
Un peu trop puisé à gauche et à droite il est vrai, mais qui pourraient leur reprocher de si intéressantes influences ?

(29) The Leisure Society - The Sleeper
Are We Happy ?
Découverte tardive pleine de sourires et de délicatesse.

(30) Health - Get Color
Death +
Tout aussi glacial que le numéro 24 et non moins fascinant, ce Get Color fera encore parler de lui longtemps.

jeudi 17 décembre 2009

[LP] Local Natives - Gorilla Manor

Chaque personne est attirée par quelque chose de différent lorqu'il croise le chemin d'un nouveau groupe, avant même d'avoir entendu la moindre de ses notes.
Souvent, c'est le nom qui attire - ou repousse - l'auditeur. Qui n'a jamais été tenté de faire l'impasse sur un énième groupe en "The"...
Pour ma part, Local Natives ne partait ni bien ni mal, cela dit, pas de quoi avoir envie d'y perdre une heure. J'aurais pu passer à côté si la cover du dernier album n'avait pas été accolée à la description.



Juste une envie de cliquer, tout en m'attendant à quelque chose de tout autre, malgré l'indication artistes similaires = Band of Horses, Fleet Foxes. Effectivement, on retrouve des aspects de ces derniers au niveau des voix (les choeurs, bien sûr !), mais moins sur l'instrumentation, excepté sur l'excellent Warning Sign (cover très réarrangée de Talking Heads) qui aurait clairement pu être réécrite par la bande des barbus. On y retrouve également un côté Ra Ra Riot sur des morceaux comme Camera Talk et Stranger Things, plus guillerets, et quelques écoutes des albums de Yeasayer ne sont pas non plus à exclure (Cards & Quarters, par exemple).



Mais au-delà des influences probables du groupe, c'est un superbe premier album que les 5 gars de Silverlake, Californie, nous livre, et pas celui d'un enième groupe de folkeux comme les références pourraient le suggérer, bien loin de là. Assez hétérogène, mais un sens inné de l'harmonie, des voix aux tonalités chaudes et mélancoliques, une batterie inventive... L'exemple parfait sur Airplanes, Sticky Thread, Wides Eyes ou encore Shape Shifter (les plus beaux choeurs de tout l'album). Un seul petit bémol sur Who Knows Who Cares, largement dispensable.
Les Local Natives ont été repéré cette année au festival SXSW à Austin en partageant une soirée avec Elvis Perkins et Grizzly Bear, ainsi qu'en jouant divers shows gratuits dans les rues d'Austin, tout en espérant signer et sortir un album. Gorilla Manor, 12 chansons au total, est sorti le 2 novembre sur le label Infectious.